Lofti : Etude du Peganum harmala (L.) (Hermel)

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Thèse de pharmacie présentée à Université Saint-Joseph, Beyrouth
Faculté de médécine et de pharmacie, France
pour obtenir le grade de Docteur en Pharmacie

par




Claude Lotfi

Contribution à l'étude du Peganum harmala (L.) (Hermel)



soutenue le 29 juin 1967 devant la commission d'examen :
Delaveau, Pierre, président
Lys, Pierre, Adès, Jacques, et Loiselet, Jacques, examinateurs

 



INTRODUCTION


Depuis un temps reculé le Peganum harmala semble avoir été utilisé par les populations de l'ancien monde et particulièrement de l'Orient comme une plante médicinale ayant, à côté de différentes propriétés emménagogues, anthelminthiques, antispasmodiques, antiparkinsoniennes (propriétés plus ou moins confirmées), une activité enivrante et hallucinogène.


Déjà en 1553 BELON écrivait au sujet des graines de Harmala : «leur emploi amène une certaine ivresse joyeuse». Cette assertion est confirmée par BAUHIN en 1651.


En 1759 LEMERY cite le Peganum sous le nom de harmala pour ses propriétés «incisives, atténuantes, digestives, dessicatives et apéritives. On s'en sert, dit-il, pour atténuer les humeurs grossières et pour exciter l'urine».


MERAT et DE LENS en 1833 notent que «les semences de cette plante sont regardées comme étant légèrement narcotiques» et KAEMPFER dit avoir éprouvé un délire gai, après en avoir fait usage ; ce qui les fait entrer dans quelques compositions narcotiques ( revue des écrits de LINNE).


BOUSTANY B. 0 (1876-1887) cite à l'article «Rue Sauvage» les propriétés enivrantes du Peganum et BOUSTANY A. (1927) relatant d'anciennes coutumes, dit qu'on «fume les graines de Harmel» comme on fume le Cannabis indica.


PELT et coll. signalent de leur côté, qu'en Afghanistan «les graines d'Harmel sont entourées de mystère et de respect, en raison des propriétés bénéfiques qui leur sont universellement reconnues: la fumée résultant de leur projection dans un feu de bois est censée éloigner les esprits et conjurer les sorts contraires».


Il est curieux de constater que les propriétés hallucinogènes du Harmel sont totalement ignorées de la population indigène, aussi bien au Liban qu'en Syrie.


En 1837, GOEBEL découvre dans le Peganum harmala deux alcaloïdes : l'harmine et l'harmaline qui sont étudiés par FRITSCHE (1847) puis par FISCHER et TAUBER (1885) et dont MANSKE, PERKIN et ROBINSON réalisent la synthèse.


En 1930, SPATH isole la Péganine, déjà découverte sous le nom de Vasicine dans l'Adhaloda Vasica par HOOPER en 1888.


Différents auteurs ont étudié par la suite les alcaloïdes dérivés de l'Harmane, entre autres SPATH et LEDRER (1930), HAHN et coll. (1934 -1935 -1938), HARVEY et ROBSON (1938).


En 1943, BRUCKNER et WITKOP publient les spectres d'absorption en ultra-violet de l'harmine et de l'harmaline, avant que ne paraissent différentes publications relatives aux alcaloïdes du Peganum harmala faites par OVEJERO (1947), KORETSKAYA (1957), SCHIPPER et VOLK (1960), KURT (1961), SIDDIQUI (1962), PLEKHANOVA et AKTANOVA (1965).


Cependant certaines connaissances sur le Peganum harmala méritaient d'être reprises, pour être mieux approfondies.


Nous avons essayé d'y apporter une modeste contribution, en négligeant toutefois ce qui concerne l'action physiologique de cette plante et de ses alcaloïdes, action qui a été particulière-ment étudiée et qui dépasse de beaucoup le cadre du travail que nous nous sommes assigné.


Nous nous sommes proposés dans ce qui suit :


1) De décrire les caractères botaniques et morphologiques du Peganum harmala, ainsi que sa répartition géographique.

2) De faire une étude histologique de ses principaux organes et d'y localiser les alcaloïdes.

3) D'identifier et de caractériser ces alcaloïdes par différentes techniques.

4) De passer à l'étude de leur dosage global et différentiel, en nous appesantissant particulièrement sur les techniques de chromatographie et de spectrophotométrie d'absorption.

5) Enfin, nous nous sommes attachés a étudier la répartition des alcaloïdes dans les différents organes de la plante.



CONCLUSIONS GÉNÉRALES


Nous pensons pouvoir tirer de ce travail les principales conclusions suivantes :


1. — Le Peganum harmala, plante connue depuis le premier siècle de l'ère chrétienne pour ses propriétés emménagogues, anthelminthiques, antispasmodiques, antiparkinsoniennes et surtout pour ses propriétés hallucinogènes, ressemble a la Rue dont il a pris du reste le nom grec reyavov.


2. — Le nom donné a l'espèce harmala dériverait du nom arabe et semble être en rapport avec l'origine géographique de la plante qui croît spontanément dans la région du Harmel (Liban) et qu'on retrouve en Afrique du Nord, en Proche et Moyen-Orient et jusqu'en Afghanistan, au Pakistan et dans l'Inde.


3. — Nous avons procédé à des coupes histologiques pour préciser la structure à différentes étapes de l'évolution, des principaux organes, en particulier de la racine, de la tige, de la feuille et de la graine.


4. — Nous avons essayé de localiser les alcaloïdes dans les différents organes de la plante, soit par l'examen des coupes histologiques sous lumière ultra-violette, soit par chromatographie des extraits d'organes, ce qui nous a permis de constater que les alcaloïdes se répartissent d'une manière privilégiée :

Les dérivés de l'harmane se trouvent surtout dans la racine et la graine, alors que la péganine, dérivé quinazolique, se trouve exclusivement dans la tige et la feuille, à côté de traces d'alcaloïdes harmaniques.


5. — Nous avons identifié et caractérisé les alcaloïdes par différentes techniques, en particulier par chromatographie sur couches minces de gel de silice et par l'étude de leur fluorescence, et leur spectre d'absorption en ultra-violet.

De même nous avons précisé différentes réactions de micro-cristallisation et de coloration, effectuées avec les réactifs les plus couramment utilisés pour la recherche et l'identification des alcaloïdes.


6. — Puis nous avons procédé au dosage volumétrique des alcaloïdes totaux, ainsi qu'à leur dosage différentiel par spectrophotométrie d'absorption en ultra-violet, après chromatographie sur colonne de gel de silice.


Les résultats obtenus rapportés à la poudre sèche sont les suivants :

Dans la graine               2,000           d'harmine

                                      0,100           d'harmalol

                                      5,100           d'harmaline

                                      7,200           d'alcaloïdes totaux

Dans la racine :            2,434           d'harmine

                                      0,115           d'harmalol

                                      2,549           d'alcaloïdes totaux

Dans la feuille :           0,189           d'harmine

                                      0,200           d'harmol

                                      0,606           de péganine

                                      0,995           d'alcaloïdes totaux

Dans la tige :                0,080           d'harmine

                                      0,195           de péganine

                                      0,275           d'alcaloïdes totaux


7 — Enfin nous nous sommes attachés a étudier la répartition des alcaloïdes dans les différents organes de la plante et nous avons rappelé les connaissances actuelles sur la biogenèse de ces alcaloïdes.


Les dosages que nous avons effectués ont permis de préciser ce qui avait été révélé par l'étude de la localisation des alcaloïdes, à savoir que les dérivés de l'harmane se trouvent surtout dans la racine et la graine, alors que la péganine, dérivé quinazolique, se trouve exclusivement dans la tige et la feuille, a côté d'une faible quantité d'alcaloïdes harmaniques.





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